Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lavane Murphy
Lavane Murphy
Archives
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 137 581
Catégories
5 mai 2015

L’AFRICAIN, VENDU COMME UNE MARCHANDISE

x2fdiomi

Les traites négrières, également appelées traite des Nègres ou traite des Noirs, sont des commerces d'esclaves dont ont été victimes, par millions, les populations de l'Afrique de l'ouest, Afrique centrale et l'Afrique australe durant plusieurs siècles. Pour la définir, il faut associer et combiner les six éléments suivants:

les victimes étaient des Noirs ;
les traites supposaient des réseaux d’approvisionnement organisés et intégrés ;
les populations esclaves ne pouvaient se renouveler par la fécondité ;
le lieu de la capture et celui de la servitude étaient éloignés l’un de l’autre ;
la plupart du temps, la traite correspond à un échange commercial entre producteurs et acheteurs ;
les entités politiques approuvaient ce commerce et en retiraient des bénéfices substantiels.

UN COMMERCE D'HOMMES

La traite négrière, qui comporte d'importants risques militaires, nécessite une surface financière conséquente : on n'y trouve guère d'artisans ou petits marchands mais surtout des officiers supérieurs, la plupart du temps très proches de la royauté, ou des financiers confirmés. Un homme d'origine plus modeste, comme Henry Morgan, s'y fait une place grâce à son statut de leader des pirates de la Caraïbe au début des années 1670. La majorité de ces armateurs (il existe quelques exceptions comme la famille Montaudouin) ne consacre qu'une partie de leur activité à la traité négrière afin de diversifier les risques. Ainsi à Nantes, premier port négrier en France (43 % des expéditions négrières françaises, représentant un peu plus du dixième de l'activité maritime nantaise), l'armement négrier n'a jamais excédé 22 % de l'armement total.

Craints et respectés dans leur milieu, ces hommes disposent d'un pouvoir considérable, qui explique le développement très rapide de la traite entre 1665 et 1750 et l'acquisition de fortunes considérables, à une époque où l'argent est rare et circule peu, l'absence d'industrie limitant les possibilités de s'enrichir vite. Leur influence amène l'Angleterre puis la France à approvisionner en esclaves l'Espagne à qui le traité de Tordesillas interdit l'accès aux côtes d'Afrique.

En 1647, la Barbade compte déjà 4 000 esclaves, huit fois plus qu'en 1642. Le colonel Hilliard, qui a payé 400 sterling sa plantation en 1642 en revend la moitié au futur gouverneur Thomas Modyford pour 7 000 sterling.
En 1660, lors de la restauration anglaise, le roi Charles II Stuart fonde la compagnie des aventuriers d'Afrique, dirigée par Thomas Modyford jusqu'en 1669. Ses soutiens William Berkeley et George de Carteret sont récompensés par des dons de terre (Caroline, Virginie et New Jersey).
En 1664, Sir John Yeamans et le colonel Benjamin Berringer, planteurs de sucre à la Barbade, partent avec des centaines d'esclaves dans la Province de Caroline, deviennent gouverneurs. Frances Culpeper, épouse de William Berkeley, gouverneur de Virginie, héritière de ses plantations, les rejoint.
En 1664, Thomas Modyford quitte la Barbade avec 700 esclaves pour la Jamaïque, dont il devient gouverneur, et où il implante l'économie sucrière.
En 1671, Thomas Lynch, planteur et négociant d'esclaves lui succède, après avoir vécu cinq ans en Espagne. Charles II lui demande de désarmer les flibustiers pour assurer la stabilité d'une Jamaïque appelée à devenir une réserve d'esclaves pour l'empire espagnol.
En 1672, la nouvelle Compagnie royale d'Afrique reçoit le monopole de l'importation d'esclaves et construit des dizaines de forts en Afrique. Son créateur est le duc d'York Jacques Stuart, qui succédera de 1685 à 1688 à son frère Charles II.
En 1676, Henry Morgan, arrêté en 1672 par Thomas Lynch, est libéré et fait gouverneur de la Jamaïque. Il reçoit une grande plantation et désarme les pirates. Dans les années 1680, 8 000 esclaves arrivent chaque année dans l'île.
En 1677, l'amiral Jean-Baptiste Du Casse, directeur de la Compagnie du Sénégal, obtint le privilège royal de vendre aux Antilles chaque année pendant huit ans 2 000 esclaves puis devient en 1791 gouverneur de Saint-Domingue, où il acquiert une grande plantation.
Dès 1678, son premier client fut le capitaine Charles François d'Angennes, marquis de Maintenon, le plus riche planteur de la Martinique.
En 1701, Antoine Crozat prend la direction de la Compagnie de Guinée, que Louis XIV autorise à amener « 3 000 nègres pour chaque an aux îles ». Acquéreur de la Louisiane en 1712, il y importe des esclaves et se heurte aux Amérindiens.
En 1735, Antoine Walsh, leader de la communauté jacobite des Irlandais de Nantes et fils de Phillip Walsh, qui a ramené en France Jacques II, est le premier négociant de Nantes. Il finance les rébellions du jacobitisme et fait échec aux projets de taxation du sucre.
De 1748 à 1751, la société Grou et Michel et la société d'Angola contrôlent 48 % de la traite nantaise. Guillaume Grou avait épousé Anne O'Shiell, sœur d'Antoine Walsh. Leur fortune (4,5 millions de livres) est confisquée en 1793.
En 1771 et 1775, Thomas Sutton de Clonard, actionnaire et officier de la Compagnie française des Indes orientales, associé du banquier Isaac Panchaud, achète une immense plantation sucrière à Saint-Domingue pour 7,8 millions de livres.
En 1751, le marquis de Laborde, acquiert le monopole de la fourniture de piastres à la Compagnie des Indes, devient banquier du roi, puis place sa fortune dans la Traite et 1400 hectares à Saint-Domingue.
En 1803, Jean Boze et Jean Lafitte, figures de la Piraterie des années 1800 dans la Caraïbe, approvisionnent les planteurs français de Cuba et de Louisiane.

Ouidah, autrefois également appelée Juda, est une ville du Bénin, située à 42 kilomètres de Cotonou. Sa population est actuellement d’environ 60 000 habitants. Cette ville a été au xviiie siècle un des principaux centres de vente et d'embarquement d'esclaves dans le cadre de la traite occidentale.

Ouidah a été l’un des principaux points d'embarquement des esclaves vers les Amériques. Sur les onze millions d'Africains exilés par la traite occidentale) près de deux millions sont partis de la baie du Bénin, dont 60 % à partir des deux principaux ports à centraliser le trafic, Ouidah et Lagos.

Le site de Ouidah était « soigneusement isolé du reste du royaume afin de garantir le monopole royal ». En effet, sous le contrôle d'un grand dignitaire de l'État, le yovoghan (ce qui signifie littéralement « chef des Blancs ») il constituait l'interface commerciale entre les négriers européens et l'État négrier d'Abomey. Dans ce royaume relativement centralisé mis en place par le roi Agadja d'Agbomin (1708-1740), la traite négrière fut érigée en monopole royal par le roi Kpengla (1774-1789) et alimentée par de périodiques razzias aux marges du royaume, au bénéfice de l'ethnie des Fons.

Les esclaves étaient rassemblés sur une place pour y être vendus. Puis, ils parcouraient enchaînés les quelques kilomètres qui les séparaient de la plage. Enchaînés les uns aux autres, ils montaient dans des canots pour être entassés dans les cales des navires avant la longue traversée vers le Nouveau Monde. Persuadés que les négriers blancs allaient les manger, certains préféraient, lors du transport en canots, se jeter à la mer et mouraient noyés.

Ouidah constituant l'un des principaux ports d'exportation d'esclaves, plusieurs pays européens étaient présents sur place, disposant de forts spécifiques : fort français, fort anglais, fort danois, fort portugais, fort hollandais. Le roi et les élites du royaume pouvaient ainsi faire monter les enchères pour obtenir le meilleur prix pour la « marchandise » dont ils disposaient.

Dans le Bénin actuel, le souvenir de ces traites négrières orchestrées par le royaume d'Abomey n'est pas sans créer périodiquement des tensions entre les Fons et les ethnies situées plus au nord, qui ont eu à subir les razzias annuelles menées à cette époque et ont vu nombre d'entre eux condamnés à l'esclavage au-delà de l'Océan Atlantique.


En 2002 a été créé à Ouidah le CPADD (Centre de Perfectionnement aux Actions post-conflictuelles de Déminage et Dépollution). Des formations en français et en anglais y ont lieu pour former les Africains aux techniques de déminage et de dépollution des sols après les conflits armés.

LA TRAITE OCCIDENTALE

Les débuts de la traite occidentale

La traite atlantique, la plus intense, fut effectuée au profit d'Européens aidés par certains chefs africains des zones côtières. Elle débuta en 1441 par la déportation de captifs africains vers la Péninsule ibérique pendant plusieurs décennies. La première vente de captifs noirs razziés des côtes atlantiques a eu lieu en 1444, dans la ville portugaise de Lagos. Au siècle suivant, les Portugais convoyèrent les esclaves vers les Caraïbes et l'Amérique du Sud. Les Anglais, les Français et les Hollandais s'y joignent dans les années 1640.

Pour contourner la mainmise ottomane sur les routes du commerce avec l'Orient, le prince Henri le Navigateur finança l'exploration maritime des côtes atlantiques dès 1422. Il voulait aussi s'allier à l'Éthiopie, royaume du légendaire prêtre Jean et contenir l’expansion mondiale de l'islam au détriment de la chrétienté19. Les considérations religieuses s'ajoutaient aux considérations politiques et commerciales : en 1442, puis en 1452, les papes Eugène IV et Nicolas V entérinèrent les conquêtes du roi Alphonse V de Portugal.

En 1453, la chute de Constantinople prive les négociants européens du commerce transméditerranéen. Des relations avec l'Afrique subsaharienne sont progressivement mises en place par Henri le Navigateur. Le Vénitien Alvise Cadamosto organise deux expéditions pour les côtes de l'Afrique subsaharienne, en 1455 et 145620.

Le commerce en droiture

La majorité des navires commerçant avec les colonies ne pratiquent pas la traite négrière mais le commerce en droiture. Le circuit en droiture consiste en un aller-retour direct (sauf escale nécessaire) entre la métropole et la colonie désignée. Le navire part avec de la marchandise vendue dans la colonie (aliments spécifiques, outils nécessaires au fonctionnement des colonies, bijoux, tissu fin pour les colons, tissu grossier pour les esclaves) puis effectue le trajet en sens inverse après s'être chargé de denrées coloniales (coton, sucre, cacao, café, indigo). Commerce direct dont l'aller se révèle peu rentable, il est cependant moins risqué (risque financier moindre car rotation plus rapide et ne nécessitant pas de faire le détour par l'Afrique) et domine aux deux tiers le commerce triangulaire qui est plus tardif.

Le commerce triangulaire

Pour ses commanditaires, il représentait le modèle économique le plus sûr : le traitant n'avait pas lui-même à organiser de razzias. Les esclaves étaient simplement achetés à des fournisseurs africains. Les navires négriers partaient de l'Europe les cales pleines de « pacotille » (verroterie, miroirs, objets de parure, coquillages) mais aussi des marchandises de traite de qualité (tissus, alcool, arme à feu, barres de fer, lingots de plomb) troqués sur les côtes africaines contre des captifs, la qualité d'un capitaine se révélant à sa capacité à négocier auprès de ses traitants qui peuvent faire jouer la concurrence. Ils mettaient ensuite le cap sur l'Amérique du Sud, les Caraïbes ou l'Amérique du Nord. Les conditions de détention des esclaves étaient extrêmement dures : attachés par groupes, entassés dans les cales, et seulement sortis de temps à autre pour prendre l'air. « Cargaison » précieuse face au risque financier que prenait l'armateur, leurs conditions de détention s'améliorèrent au cours des siècles, leur taux de mortalité étant de 10 % à 20 %, avec des pics à 40 %. Pour les historiens, l'estimation la plus probable s'établit à 13 % sur les quatre siècles que dure la traite alors que la mortalité moyenne d'un équipage était tout juste inférieure.

Les esclaves étaient vendus contre des lettres de change ou des matières premières : sucre, puis coton et café pour approvisionner l'Europe. Les investissements sucriers anglais des années 1660 puis français des années 1680, abaissent son prix, mais fait monter celui des esclaves en Afrique, relançant les guerres tribales.

L'Espagne ignorait le commerce triangulaire. Le traité de Tordesillas lui interdisant les comptoirs en Afrique, elle concédait des licences d'importation, via l'Asiento. Les premiers esclaves africains arrivent à Cuba dès 1513. Mais deux siècles et demi plus tard, en 1763, Cuba ne compte que 32 000 esclaves, 10 fois moins que la Jamaïque anglaise et 20 fois moins que Saint-Domingue. En revanche, de 1792 à 1860, 720 000 noirs sont introduits par les réfugiés français de Saint-Domingue à Cuba, alors que l'esclavage disparaît à Saint-Domingue et à la Jamaïque.

La création dans les années 1670 de la Compagnie du Sénégal et de la Royal African Company dope le commerce triangulaire. La Martinique n'avait que 2 600 esclaves en 1674, ils sont 90 000 un siècle plus tard. D'immenses fortunes émergent24, sans se réinvestir dans l'industrie : malgré l'enrichissement des Irlandais de Nantes, l'arrière-pays chouan reste sous-développé. Avec Nantes, Bordeaux et La Rochelle deviennent à la fin du xviiie siècle les autres capitales du commerce triangulaire français. Les bateaux sont plus grands, Saint-Domingue reçoit 20 000 captifs par an, le prix des esclaves monte encore, générant des guerres en Afrique.

 

Lavane Murphy

Publicité
Commentaires
Lavane Murphy
Publicité
Newsletter
5 abonnés
Publicité